Rappels théoriques

Nous sommes d’accord que la distance d’arrêt correspond à la distance parcourue par le véhicule pendant que sa vitesse diminue, c’est-à-dire à partir du moment où le conducteur agit sur la commande de frein, à laquelle est ajoutée la distance parcourue par le véhicule (encore à pleine vitesse) pendant le laps de temps nécessaire au conducteur pour réagir et commencer à freiner.
C’est-à-dire la distance parcourue pendant le temps de réaction.
MAIS…

Mais la décélération peut être plus faible, et donc les distances de freinage plus grandes, selon l’état de la route.

La valeur théorique de la distance de freinage est fonction de la vitesse initiale, de la déclivité et du coefficient de frottement longitudinal (valeur comprise entre 0 et 1).

La décélération dépend en effet de la façon dont les pneus adhèrent à la route.
Or le coefficient de frottement au sol peut varier du simple au triple selon la qualité du revêtement, la présence ou non d’eau sur la route, la température extérieure, le poids du véhicule en charge, l’état du véhicule (système de freinage, état et pression des pneus, état des amortisseurs…).

Le coefficient d’adhérence (ou coefficient de frottement longitudinal) a une influence directe sur les distances de freinage.
Ce coefficient dépend de la nature et de l’état du revêtement.
À titre indicatif, et de manière simplificatrice, on peut retenir les valeurs suivantes sur route sèche :

  • 0,8 pour un béton bitumineux propre et sec ;
  • 0,7 pour un revêtement moyen ;
  • 0,6 pour un pavé sec…
  • sur route mouillée, ce coefficient est divisé par deux !

Pour évaluer votre distance d’arrêt, le mieux est de la mesurer précisément.

Désolé de vous faire faire un peu de maths, je n’aime pas ça non plus, mais vous trouverez l’équation exacte ici.

Rappel, les distances d’arrêt sont données pour une décélération de 7 mètres par seconde (norme OCDE), ce qui implique des pneus en bon état et des plaquettes de frein opérationnelles.
Et le temps de réaction s’entend évidemment pour un conducteur en bonne santé, sans problème de vue, à jeun, qui n’a absorbé ni alcool, ni drogue douce ou dure, ni médicaments, ni repas pantagruélique. Hé ouais…

Examinons enfin deux situations particulières qui mettent beaucoup de motards mal à l’aise :

  1. freiner sur le mouillé,
  2. freiner sur l’angle.

Avec un peu d’expérience et d’entraînement, conduire à moto sur route mouillée ne pose pas spécialement de problème.

Sauf sur un point, le freinage.
Le freinage à moto sur le mouillé constitue une phase technique extrêmement délicate.

En effet, la très forte diminution du coefficient d’adhérence du revêtement entraîne deux conséquences tout aussi dommageables pour le motard :

  1. la distance de freinage est allongée, voire doublée ;
  2. les pneus perdent l’adhérence et se bloquent bien plus facilement que sur le sec.

C’est pourquoi, même avec un ABS qui permet d’éviter le blocage de roue, il est préférable d’éviter de devoir freiner fort sur le mouillé.
Pour cela, quelques conseils :

  • rouler plus lentement que sur le sec,
  • augmenter les distances de sécurité,
  • ralentir avant tout au frein moteur,
  • solliciter principalement le frein arrière,
  • freiner de l’avant avec deux doigts seulement, pas plus.

Freiner sur l’angle

Bien des vieux briscards de la moto vous le diront : il faut freiner avec la moto droite.
Ou alors, en virage, ne freiner que de l’arrière.

Je m’inscris en faux. Certes, il vaut mieux freiner avec la moto droite, c’est plus facile. Mais ce n’est pas impératif.
Contrairement à ce qu’on entend / lit souvent, il est possible de freiner

  1. de l’avant,
  2. roue avant inclinée ou braquée,
  3. et sans se mettre par terre.

Mais effectivement, c’est délicat, cela demande du doigté, de la technique, du dosage…

Si les freins ont fait d’énormes progrès sur les motos modernes, le processus de freinage n’est pas évident à maîtriser, surtout en situation d’urgence, justement quand on en a le plus besoin. Il ne suffit pas de tirer sur le levier pour « bien » savoir freiner.

Bien freiner, c’est s’entraîner !

Sur la majorité des motos actuellement en circulation, dépourvues d’ABS, un freinage efficace et sûr exige une procédure précise qui n’est pas naturelle.
Il faut s’y entraîner dur pour qu’elle devienne un réflexe.

Pour information, lors de la formation de gendarmerie motocycliste, qui s’étale sur 11 semaines, le module Freinage sur bitume s’étale à lui seul sur 20 heures.
Vingt heures entières passées sur différents exercices en arrivant à vitesse soutenue (30, 50, 80 km/h) pour procéder à divers types de freinage : décélération seule (frein moteur), décélération avec frein arrière, décélération avec frein avant, décélération avec freins AV et AR combinés, décélération avec freins mais sans frein-moteur (débrayage)… sur toutes sortes de surfaces et avec différentes motos, sans et avec ABS.

Bon, on entre dans les détails maintenant ?

Attention, la vidéo amateur ci-dessous, globalement pertinente et en tout cas réalisée dans un bon état d’esprit, comporte quelques lacunes et un certain nombre d’erreurs.

  1. Le frein moteur n’use pas les pneus, sauf en cas de blocage de la roue arrière.
    Mais là, ce n’est pas le ralentissement au frein moteur, ni même le rétrogradage en lui-même qui bloque la roue, mais le fait de relâcher trop brutalement l’embrayage, surtout à haut régime.
    Un rétrogradage effectué correctement n’use pas plus les pneus qu’une simple décélération.
  2. Le rétrogradage en solution de secours ?? Au contraire !
    Le frein moteur met longtemps à agir, bien plus que les freins principaux (avant et arrière). Il ne nous sauvera pas en virage, alors qu’il est au contraire très utile avant le virage, pour adapter l’allure très en amont et nous permettre ensuite de remonter en régime sans prendre trop de vitesse dans le virage.
    De plus, si on veut rétrograder en urgence dans le virage, c’est là qu’on risque d’effectuer un rétrogradage brutal sur l’angle, donc de bloquer la roue arrière sur l’angle, ce qui sera le plus souvent très dangereux.
  3. Le préjugé très répandu qui interdit le freinage de l’avant sur l’angle sous peine de glissade… non, mais juste non !
    Il est parfaitement possible de freiner de l’avant dans le virage avec la moto inclinée. Par contre, ce freinage doit se doser, avec un ou deux doigts, il ne doit être ni puissant, ni brutal. Si la moto tend à se redresser, on pourra compenser ce mouvement par une accentuation des appuis, notamment sur le guidon.
  4. Ce préjugé erroné est d’autant plus dangereux lorsqu’il conduit à des conneries du genre « mieux vaut attendre de freiner plus tard et plus fort » !
    Si on arrive fort, il vaut mieux freiner fort avec la moto droite, voire continuer à freiner en entrée de virage en commençant à incliner (technique dite de « trail braking »). Justement pour éviter de garder le frein en milieu de virage.
  5. Le frein arrière provoque un tassement de la suspension arrière et un abaissement du centre de gravité de la moto. Mais pas du tout un délestage de l’avant.
    La fourche ne se détend pas quand on freine de l’arrière.
    Le frein AR seul sert à ralentir un peu en virage, sans redresser la moto justement. Le frein AR ne redresse pas la moto !
  6. Dire qu’il faut « vraiment y aller pour partir de l’arrière » sur un freinage AR sur l’angle… pas forcément, non.
    Cela dépend beaucoup de la moto, de la brusquerie du freinage. Il y a plein de motards qui bloquent l’AR sur l’angle parce qu’ils réagissent dans la panique, donc avec brusquerie.
  7. Je ne suis pas forcément d’accord avec la nécessité d’enlever les doigts du levier de frein.
    L’affirmer de façon aussi péremptoire me gêne. Quand on sait manier son frein, quand on sait doser son freinage AV, il est tout à fait possible de garder un doigt (voire deux) sur le levier de frein.
  8. Oui pour dire « plus vous freinez, moins vous pourrez tourner » ! Mais non pour dire « c’est parce que vous ralentissez trop fort que vous ne pourrez pas tourner » !!!
    Attention aux mots… Ce n’est pas le ralentissement (diminution de la vitesse) qui empêche l’inclinaison, mais bien le freinage de l’avant.
    Un ralentissement par tout autre moyen (décélération, rétrogradage, frein AR) n’empêche pas de tourner.

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